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françois fillon - Page 2

  • Pourquoi Fillon a gagné une manche

    Dans cette affaire de démission du Premier ministre et sa reconduction quelques heures plus tard, François Fillon a marqué des points importants dans son duel à fleurets mouchetés avec le Président. Il estF. Fillon.jpg assez clair qu'avant l'été quand Nicolas Sarkozy a annoncé son intention de renouveler l'équipe gouvernementale, il ne pensait sans doute pas reconduire son Premier ministre. Il a envisagé différentes hypothèses comme la nomination à Matignon de Michèle Alliot-Marie, de Jean-Louis Borloo (le grand favori, écarté de façon humiliante, comme c'est souvent le cas sous le sarkozysme) et de quelques autres. S'il s'est finalement résolu à prolonger le bail de son Premier ministre à Matignon, c'est qu'il n'avait pas d'autre choix raisonnable. Plusieurs facteurs expliquent cette décision qui, aux yeux de l'opinion publique, va paraître bien surprenante.

    1/ Le Premier ministre rassure une opinion publique inquiète par les coups de menton de l'Elysée. C'est une situation presque inédite sous la Ve République où l'on était habitué à voir un Premier ministre usé par l'exercice du pouvoir servant de fusible au Président de la République quand son action commence à être impopulaire. Là, la situation est inversée: l'action de la majorité est globalement critiquée, mais la responsabilité est imputée prioritairement à Nicolas Sarkozy, jugé confus, contradictoire, peu fiable et ne respectant pas ses engagements (sur la retraite, le pouvoir d'achat, etc.) alors que François Fillon est considéré, à tort ou à raison, comme celui qui amortit les chocs, limite les dégâts.

    2/ François Fillon a les préférences de la majorité qui le considère comme un vrai leader. Un doute très fort a envahi les rangs de l'UMP sur la capacité de l'actuel Président à porter de nouveau les couleurs de l'UMP aux présidentielles de 2012. En l'adoubant comme son chef et en recalant le trop imprévisible Jean-Louis Borloo, la majorité lui propose un statut de recours possible. Comme on le sait, Nicolas Sarkozy a été élu président en 2007 grâce à un vote massif des plus de 60 ans. Il n'est pas sûr que cet électorat soit prêt à réélire un homme qui a, à ce point, dévalorisé la fonction présidentielle et affaibli l'image de la France dans le monde. François Fillon, qui s'est démarqué de l'hystérie présidentielle ces dernières semaines en se présentant comme un défenseur des libertés (sur le dossier des Roms, sur les écoutes des journalistes...), peut, au contraire, incarner une voie plus raisonnable de réformes et de sécurisation de la société. Reste à savoir dans quel contexte le Premier ministre va pouvoir conduire son action et si l'Elysée lui laissera des marges de manœuvre qui lui ont fait tant défaut pendant trois ans et demi.

    3/ En rappelant probablement Alain Juppé et peut-être d'autres barons de la majorité, l'UMP ferme la parenthèse de la rupture annoncée par le Président lors de son élection. C'est un retour aux fondamentaux qui s'annonce, avec un discours beaucoup plus lisse, une volonté de rassurer une opinion publique traumatisée par les changements de pieds incessants de la présidence. Cette raison explique sans doute pourquoi l'hypothèse Borloo, porteuse de beaucoup d'incertitudes, a été écartée. Ce souci d'apaisement pourrait être facilitée par les chantiers internationaux qui devraient occuper Nicolas Sarkozy avec la présidence du G20 et du G8, et laisser un peu de champ à l'équipe gouvernementale. L'éventuelle absence dans celle-ci de Brice Hortefeux, dans la ligne de mire de Matignon, pourrait traduire le poids nouveau du locataire de Matignon.

    Toutes ces raisons expliquent le maintien de Fillon à son poste. C'est sans doute un moindre mal dans l'état de la majorité, mais cela ne donne pas le souffle nouveau qu'aurait pu espérer le pays. Mais pour escompter sur ce souffle qui manque tant, il faudrait que le sarkozysme ait un projet à proposer au pays. Et qu'il sorte enfin des postures successives qui font office de programme politique. En quelque sorte, imaginer un dessein collectif alors que la tendance naturelle du Président est d'exacerber les divisions et tensions. 

  • Le grand saut vers l'inconnu

    Rarement semaine ne s'est annoncée avec autant d'incertitudes pour le gouvernement que celle qui démarre ce lundi 11 octobre. Une troisième journée de grève générale depuis la rentrée est prévue ce mardi dans tout le pays, qui, à la différence des deux précédentes en septembre, pourrait être suivie d'un appel à la grève générale. Certains convoquent (par nostalgie ?) le souvenir de l'automne 95, mais la situation est fortement différente. D'abord parce que les régimes spéciaux (RATP, SNCF, EDF) ne sont pas directement mis en cause par la réforme Fillon-Woerth. Ensuite parce que le contexte politique a profondément changé en quinze ans. En 95, Jacques Chirac venait d'être élu sur une promesse de progrès social partagé et dès l'automne, le Premier ministre Alain Juppé, droit dans ses bottes, avait annoncé qu'était venu le temps de la rigueur et que les "privilèges" des salariés protégés étaient à revoir. Douche glaciale pour ceux qui voulaient mordre dans la pomme promise par lSarko heureux.jpge Président!

    Tout autre est le contexte en 2010. La rapide agonie de la présidence de Nicolas Sarkozy laisse le pays dans un état de désarroi total. Certains cèdent au fatalisme, d'autres à une colère qui peut prendre des formes imprévues. Personne, y compris parmi les proches de l'UMP, ne comprend comment fonctionne ce pouvoir. Tout est curieux, voire inquiétant, dans sa façon de faire. Le fait d'annoncer en juin un remaniement ministériel à l'automne aboutit à mettre tous les ministres – et le premier d'entre eux – dans un état d'inquiétude peu propice à l'efficacité.

    Le fait de maintenir Eric Woerth à un poste aussi sensible que les Affaires sociales conduit, à mesure que les révélations se font jouBettecourt - Woerth.jpgr sur ses étranges collusions, à ridiculiser tous ses propos en les reliant à la nauséabonde affaire Bettencourt. Le fait d'imposer une réforme importante, celle des retraites, sans négocier avec les partenaires sociaux (alors qu'on avait promis le contraire pendant la campagne électorale) puis, sous la pression de la rue, à lâcher une à une des petites choses amène les manifestants à se dire que des acquis importants peuvent être obtenus par le blocage du pays. D'où la tentation de la stratégie du pire. Le fait de répondre à la centaine de parlementaires UMP qui ont demandé de remettre en cause le bouclier fiscal par un « circulez, y'a rien à voir » conduit les principaux soutiens du pouvoir à prendre de la distance.

    Tout est contre-productif dans les actes de Nicolas Sarkozy, y compris sa ridicule visite à Rome auprès du pape. Les catholiques français ne sont pas complètement demeurés pour ne pas y voir une opération de récupération alors que rien dans sa politique, depuis son goût immodéré pour l'argent jusqu'aux poursuites contre les étrangers, n'est compatible avec l'Evangile. Cela peut même avoir l'effet inverse de radicaliser ses adversaires chez qui trainent un vieux fond d'anticléricalisme mal digéré...

    Nous voilà donc à quelques heures du grand saut vers l'inconnu. Tout est possible, y compris un blocage anarchique du pays avec son lot de violences et d'exaspérations. J'ai le sentiment cependant que le pouvoir ne pourra pas jouer le coup de juin 68 lorsque le général de Gaulle activa la corde de la peur face à la chienlit. Pour beaucoup de citoyens, même ceux qui seraient enclins à soutenir la réforme des retraites, la chienlit est amenée depuis longtemps par le style brouillon de Sarkozy, par ses changements d'objectifs incessants (la relance puis l'austérité, par exemple) et par son entêtement à être le « Président des riches », pour reprendre le titre d'un livre récent, sans oublier sa propension à donner des leçons au monde entier, ce que ledit monde commence à trouver franchement ridicule.

  • Philippe Séguin, le Rocard de la droite

    Que dire de Philippe Séguin quelques heures après l'annonce de son décès suite à une (assez prévisible) crise cardiaque? En lisant les articles relatifs à son parcours politique, il me semble que c'était un Martien dans le monde politique. Il prenait à contre-courant les modes de son temps et la droite française très conformiste. Sur le traité de Maastricht, il s'opposa courageusement au consensus quasi-général autour d'un Séguin.jpgtexte qui était loin d'être satisfaisant (en misant tout sur l'ouverture des marchés et pas grand-chose sur l'union politique). Par rapport à l'UMP, il a dit tout le mal qu'il en pensait et en a tiré les conséquences en se retirant de la vie politique. A la tête de la Cour des comptes, il ne ménagea pas ses critiques en direction des dérives financières du pouvoir (voir le rapport de juillet 2009 sur l'Elysée faisant apparaître des dépenses personnelles de Nicolas Sarkozy prises en charges par la République et le faramineux budget consacré aux sondages).


    Homme de convictions, volontiers excessif, Philippe Séguin était, par ailleurs, un piètre tacticien. En 1995, lui qui avait inspiré la thématique (gagnante) sur la fracture sociale s'était fait « voler » le poste de Premier ministre par un Alain Juppé plus docile. En 2001, il avait pris la tête de façon catastrophique de la droite parisienne engluée dans les dérives de l'ère Chirac-Tibéri. A la différence de beaucoup de politiques, il accordait plus d'importance à ses principes qu'à son plan de carrière. Il avait ainsi démissionné de son poste de président du RPR en 1999, se trouvant de plus en plus en décalage avec l'évolution du parti néo-gaulliste.

    Sans le dire ouvertement - devoir de réserve oblige-, le style de Nicolas Sarkozy, l'apologie de la loi d'argent lui étaient particulièrement désagréables (il avait d'ailleurs décliné des offres de postes ministériels). Le plus cocasse dans cette histoire, c'est que le Premier ministre de Sarkozy, François Fillon, a longtemps été considéré comme un proche de Séguin..


    En réfléchissant à ce parcours singulier, il me vient une comparaison qui ne fera pas plaisir à tous: Philippe Séguin était un peu le RoRocard.jpgcard de la droite. Franc-tireur, attaché au rôle de l'Etat, anticonformiste, souvent individualiste... il s'est heurté à la quête effrénée du pouvoir portée par un Chirac, comme Rocard l'avait été de la part de Mitterrand. Tous deux ont été incompris de leur parti, souvent ostracisés. Ils avaient l'étoffe pour assumer le pouvoir élyséen, mais d'une certaine manière, ils n'étaient pas fait pour la fonction quasi-royale de Président de la République qui s'accommode mal avec la liberté de penser.


    Michel Rocard s'est exprimé publiquement en regrettant l'élection au suffrage universel du Président de la République – qui polarise toute la vie politique. Philippe Séguin n'a rien dit là-dessus (à ma connaissance), mais il n'est pas impossible qu'il voyait les dégâts sur l'esprit démocratique produit cette élection du « Premier des Français ». Ce ne serait pas le moindres des paradoxes de ce gaulliste acharné qui s'en va à 66 ans.

  • Les questions sans réponse de 2009

    Que retiendra-t-on de cette année 2009 qui s'achève dans le débat politique national ? Un seul scrutin majeur a émaillé ces douze derniersP1000265.JPG mois: celui des européennes. Marqué par une abstention massive, ces élections ont fait émerger une force majeure - Europe écologie -, confirmé la puissance électorale de l'UMP et fait apparaître l'échec de la stratégie personnelle, obsessionnellement anti-sarkozyste du MoDem de François Bayrou et l'état calamiteux du parti socialiste, devancé dans plusieurs régions phare (le Sud-Est, Ile-de-France) par les écologistes.


    Sur le plan gouvernemental, le rythme des réformes ne s'est pas ralenti malgré des oppositions très fortes - notamment sur la suppression de la taxe professionnelle - transcendant les clivages politiques. L'équipe Fillon n'a aucun état d'âme, comme on l'a vu lors des deux vols expulsant des sans-papiers afghans. Toutes les réformes, y compris celle sur la Poste, devraient être menées à terme. Peu importe, pour elle, la mauvaise cote de popularité et la colère de plus en plus forte de certains pans de la population. Le duo Sarko/Fillon compte être jugé, au terme des cinq ans, sur le respect de ses engagements. Pas question de fléchir donc! Quitte d'ailleurs à sacrifier les élections régionales de mars. Les derniers mois 2009 ont été cependant périlleux pour l'équipe au pouvoir: fronde des élus locaux, malaise au sein même de l'UMP concernant le débat sur l'identité nationale avec ses relents xénophobes, difficulté à mettre en oeuvre la conversion écologique annoncée (échec de Copenhague pour lequel Sarko a mouillé sa chemise, taxe carbone retoquée par le Conseil constitutionnel).


    Pour la deuxième partie de son quinquennat
    , le Président aurait tout intérêt à infléchir sa façon de gouverner: le mépris qu'il affiSarkozy.jpgche vis-à-vis de toutes les critiques, même venant de son camp, peut se retourner contre lui; son incapacité à laisser travailler l'équipe gouvernementale, sa tendance à court-circuiter les annonces ministérielles l'exposent à toutes les critiques (d'où son différentiel de popularité avec son Premier ministre). En outre, Nicolas Sarkozy va devoir prendre garde à la schizophrénie de sa politique: il donne des leçons de régulation et de moralisation du capitalisme au monde entier, y compris à Barack Obama, mais sa politique intérieure est loin d'être exemplaire à cet égard. Pourquoi s'obstiner à déréguler certains services publics? Pourquoi laisser se goinfrer les grands patrons, comme on l'a vu avec l'affaire Proglio (le nouveau patron d'EDF qui entend conserver son traitement de Veolia)? La question de la cohérence entre le « dire » et le « faire » est une nouvelle fois posée chez le Président. Si, comme c'est probable, les difficultés économiques et sociales s'aggravent en 2010, ce grand écart risque d'être de plus en plus insupportable.

    Dans ce contexte difficile pour la majorité, pourquoi diable l'opposition n'est-elle pas en pointe? Cette question est centrale dans le débat politique. L'émiettement des forces critiquant la politique gouvernementale est une raison majeure. MoDem, Verts, PS, Parti de gauche (un nouveau venu en 2009), PCF, Nouveau parti anticapitaliste (issu de la LCR, mais sans que cette transformation ne donne les fruits escomptés), sans oublier les radicaux de gauche ou les restes du MRC de Chevènement... cela fait beaucoup de forces, parfois faibles, face à un parti présidentiel qui peut rassembler un tiers des suffrages au premier tour d'une élection. Dans ce contexte, l'affaiblissement du parti central de la gauche qu'était le PS sert l'ambition élyséenne.

    La gauche est maintenant organisée autour de trois pôles qui ont du mal à s'articuler: un pôle écologiste (que pourraient renforcer certains déçus du MoDem, telle Corinne Lepage), un pôle socialiste extrêmement divisé, toujours incapable de clarifier les questions de son programme et de son leadership) et un pôle gauche de la gauche lui-même divisé entre les participationnistes du duo PCF/Parti de gauche et les intransigeants du NPA qui n'arrivent à dépasser les 5% malgré l'extrême popularité de leur leader. Tout cela rappelle le morcellement politique italien et c'est ainsi que Berlusconi a pu être réélu sans problème.

    Vu la déconnexion entre élections locales et scrutin présidentiel, on peut déjà dire que la probable victoire de la gauche aux régionales (qui au pire devrait perdre une ou deux présidences) ne changera pas la question centrale: autour de quelle matrice idéologique la gauche doit-elle se réinventer? Peut-elle encore bricoler son modèle social-démocrate à bout de souffle (comme l'ont prouvé les élections allemandes)? Doit-elle se réinventer autour de l'urgence écologique, ce qui suppose des choix hardis en termes industriels, énergétiques, agricoles?

    Le seul élément qui pourrait accélérer les choses serait la prise par Europe écologie d'une ou deux régions. Non seulement cela donnerait l'occasion aux écologistes d'expérimenter leurs idées, mais cela recomposerait la gauche. De nombreux militants et élus du PS, dégoûtés des pratiques de l'appareil et de certains barons locaux, seraient tenter d'aller voir du côté de cette nouvelle force. Histoire de voir si l'herbe y est plus verte que dans le vieux parti d'Epinay...